vendredi 14 mars 2014

Vieux frère – Partie 1 de Fauve ≠ (pas Nicolas Julliard aka Fauve*) : Si neuf ?

Vieux frère – Partie 1 de Fauve ≠ (pas Nicolas Julliard aka Fauve*): Si neuf ?
Pour la toute première critique du P.A.M, notre contributeur Chamau part à la découverte d'un phénomène musical plus qu'intrigant. Mais derrière le buzz se cache-t-il un grand disque ? Verdict...







Chamau
Qui n'a pas entendu parlé de Fauve, le phénomène underground de la scène française ? L'histoire est plutôt belle il faut l'avouer : Un collectif d'anonyme fondé en 2010, écrivant et chantant pour oublier un quotidien monotone et morose, avec des chansons façon Spoken Word (poésie orale) brutales et intimes. Dès ces débuts le groupe cultive son image et son goût du mystère. Bientôt, le projet prendra une proportion considérable, à coup de vidéos postées sur le net, les textes crus et affûtés trouvent leurs auditeurs et la magie du bouche-à-oreille fait les choses, en 2013 Fauve remplit alors de nombreuses salles parisiennes sans publicité et surtout sans label. En mai dernier sort leur premier EP Blizzard couronné d'un succès commercial (environ 60 000 galettes) et critique, il est vrai que ce premier échantillon surprenant sur le moment mettait l'eau à la bouche. Quelques mois plus tard paraît donc le premier album très attendu Vieux Frères - Partie 1 dont la suite devrait sortir en automne.

L'album se présente sous la forme d'un itinéraire... celui d'une jeunesse paumée et désabusée vers une tentative de résurrection, de l'obscurité à la lumière, du fatalisme à l’espoir avec en fil rouge un message adressé aux « Vieux frères » autours de trois morceaux (RAG#3 ; RAG#4 et la chanson éponyme) comme une confession intime à fleur de peau.

« Comment est-ce que tu peux penser qu'tu tiens à moi, si moi même j'y tiens pas ?/ Pourquoi tu dis qu'tu m'aimes alors que moi-même j'me déteste ?/ Pourquoi t'es là ? Pourquoi tu restes ? » Voyou – Vieux frère – partie 1 - Fauve

Tout commence sur Voyou, titre d'une urgence singulière, percutant et agité avec des mots décochés comme des gifles tantôt parlés tantôt rappés, avec en fond sonore un sample du Trio pour piano et cordes n°2 de Schubert, désespéré et désespérant, le morceau atteint sa cible avec une sorte de grâce assez remarquable : on y retrouve toute l'essence de Fauve et l'on espère que le reste de l'album sera du même acabit... et on l’espère a tort… Car au final c'est bien là le problème de Fauve, celle de raconter éternellement la même histoire et de la même façon, cette litanie a pour conséquence de nous faire percevoir assez rapidement les faiblesses du collectif. Commençons par l’interprétation : cette énergie et cette rythmique n'a rien de révolutionnaire, on la retrouve chez le groupe Diabologum (en 90 déjà) et plus récemment chez un Arnaud-Fleurent Didier, on est loin de la bouffé d'air frais que semble vendre la presse spécialisé et on est pas non plus dans l'excellence de cette discipline, car là ou quelqu'un comme Leo Ferré sur Le chien  (chanson que l'on peut absolument associer à cette notion de spoken word) savait se montrer tantôt subtil, tantôt lyrique le travail de l’interprète principale de Fauve se révèle assez monocorde donnant à l'album une répetitivités très désagréable. Ce qui d'autant plus rageant car Quentin Postel n'est pas dénué de talent (chantant notamment sur les refrains d' Infirmière avec une naïveté plus que sympathique.)

« Ah ouais tu crois ça ?/ Bah écoute, j'sais pas pour toi, mais pour moi ce sera:/ La tête haute, un poing sur la table et l'autre en l'air,/ fais moi confiance avant de finir six pieds sous terre/ j'aurais vécu tout c'qui a à vivre/Et j'aurais fait tout ce que j'peux faire/tenté tout ce qui a a tenter /et surtout j'aurais aimé » Loterie – Vieux frere – Partie 1 - Fauve

Les chansons dans leurs ensembles tiennent la route mais manquent de diversité dans les thèmes abordés ce qui fait que les grandes titres de l'album comme De ceux notamment se perdent dans la masse des morceaux semblables mais moins réussi (Jeunesse Talking Blues, Requin-Tigre). L'écriture, quant à elle, est plutôt habile avec des élégances poétique rompus par la violence de termes crus, mais là encore trop de posture ! Les textes tournent autours de vous avec un vocabulaire extrêmement choisi (les vieux frères, les belles, les crasses et les requins-tigres sont autant de mot qui reviennent dans tout l'album) et un esthétisme censé vous plonger dans l'univers du groupe, nous faire sentir confidents. Mais l'on passe a coté... car à force de stylistique les textes semblent sombrer dans une pose, dans un simulacre. On applaudit, on trouve ça bien trouvé, malin mais on n'entre ni dans l'émotion, ni dans l’empathie puisque l'on sent que la démarche n'est pas totalement honnête. C'est peut être sur un refrain comme celui d’Infirmière ou celui de Loterie, que Fauve enfin sobre est peut-être le plus émouvant et l'on regrette que le collectif est privilégié des textes ampoulés mais froid à la simplicité touchante dont ils sont capables.

« Sur la musique, on va on vient/ on s'éloigne, et on revient/ Puis tu t'élances, et je te tiens/  je te retiens du bout des doigts/ pour te ramener contre moi.. » Infirmière – vieux frère – partie 1 - Fauve

Quand bien même on laisse de coté les fioritures pour se pencher sur le propos on se retrouve face à des aspirations convenues loin de la fougue que semblait possédé le groupe : s'assumer tel que l'on est, avoir une belle vie, trouver une gentille fille etc.. Il y a donc un décalage entre la forme violente et agitée et le fond qui aurai reçu une salve de critique, tant il est prévisible, si il avait été formulé par n'importe quel rappeur moyen. Ce n'est pas parce que lexique est cru que c'est forcement plus sincère, ce n'est pas parce que l'approche des textes est plus frontale que c'est forcement plus pertinent. Au final, on se retrouve donc avec un album de bon goût avec quelques morceaux de bravoure, des sonorités rétros, un peu de rap, un peu d'éléctro, de l'élégance et de la brutalité, tout ce qu'on aime, rien de nouveau en somme...

Chamau


5/10


*Nicolas Julliard est un musicien suisse qui a commencé sa carrière dans les années 2000 sous le pseudonyme Fauve, il a depuis sorti deux albums et plusieurs maxis sous ce nom. Aujourd'hui, face au phénomène du collectif Fauve, cet artiste malgré l’ancienneté de son choix de nom de scène qui devrait prévaloir sur la popularité et l'argent est contraint de le changer, le collectif refusant, semble t-il, de changer son nom, le charme de l'underground a aussi ses limites...  


Nous ne sommes ni des donneurs de leçon, ni le glaive infaillible du bon goût, il ne s'agit là que d'un avis subjectif. Nous avons tous une vision de la musique différente, avec des gouts et des priorités différentes. N'hésitez pas à laisser des commentaires afin d'enrichir le débat, toute critique est bonne à prendre ! 

6 commentaires:

  1. Bravo, belle critique !

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    1. Merci, je trouvais ça important de remettre les points sur les "i" (surtout qu'ils ont volé le pseudo a quelqu'un qui avait près de dix ans de carrière enfin bref...). Mais y'a d'autres chroniques d'albums très bien aussi vous savez sur ce blog ^^ Je vous encourage a y jeter un œil !

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    2. Leur nom Fauve vient du film "Les Nuits Fauve " de Cyril Collar.

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  2. Je partage votre avis sur l'album. Pour ce qui est du reste, on arrête un peu avec Nicolas Julliard... "Volé le pseudo"... Il est suisse, il est symathique (malgré ses jérémiades replayées par les Inrocks), il n'a pas percé malgré 10 ans de carrière. Comme je l'ai déjà écrit ici: http://www.mrdubuc.com/post/75236684182/cher-nicolas-julliard-lhomme-qui-sappelait-fauve , il a une seconde chance. Ca arrive rarement.
    Quant à l'argent... Fauve (le collectif) n'a pas succombé aux sirènes des maisons de disque pour empocher l'avance et faire un album. Auto-prod, création de label. Ils ont peut-être mieux compris que d'autres le fonctionnement de la musique aujourd'hui. Peut-on le leur reprocher?

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    1. Tout d'abord merci pour votre commentaire. Cependant, je ne vois pas en quoi le fait que Nicolas Julliard n'est pas percé est un prétexte à lui prendre son pseudo, l'ancienneté doit primer sur la célébrité (Surtout qu'il a eu de très bons papiers sur ces derniers albums, jetez-y un œil : donc succès d'estime et d'initié)... Faites attention, la critique que vous lui faites peut sembler aussi cynique que ce que lui a proposé le groupe Fauve (le mettre en premier parti de ses concerts). Pensez-vous qu'être confondu avec ces artistes (un brin prétentieux qui plus est) est vraiment une chance ? Des auditeurs, comme j'ai pu en voir sur Youtube notamment, le traite de copieur, de voleur, le procès s'est inversé... Je ne vois pas ce qu'il y gagne. Est-ce agréable quand on a passé dix ans de sa vie accompagnée d'un pseudo de voir que tout d'un coup, du jour au lendemain, vous vous retrouvez parasité (jusqu'à sur Deezer ou ses albums sont mélangés avec ceux du collectif)? Un pseudonyme est bien autre chose qu'une simple marque déposée, ça fait partie de la personne, s'en sentir dépossédé est sans aucun doute terrible et peut être que cette douleur lui a valu d'être un peu trop émotif lors de sa tribune sur les Inrock... Ce mec n'a déjà pas les médias pour faire parler de lui donc ne lui enlever pas ça... Je ne dis pas que Les Fauve l'ont fait consciemment, mais ils auraient pu couper la poire en deux : S'appeler Collectif Fauve où je ne sais pas... Pour terminer, je rebondis sur ce que vous avez dit sur Fauve dans votre article : je ne pense pas qu'il y ait une vraie rage d'écrire chez eux... Il y a beaucoup trop de délicatesses pour croire en leur urgence. On est rattrapé par des tournures poétiques un peu facile... Ils sont malins et ça suffit à duper Télérama, mais moi par expérience (relative) je sens bien qu'il n'y a pas le lâché prise, le coté diamant brute que nous promets la presse... Ils sont beaucoup trop propres, ça sent le savon et pas assez la foufoune (comme dirai l'autre) ... Je n'aime pas la posture de ce groupe... Ils te balancent leurs vies, ils te baisent, et ils te laissent sans clope, sans café, sans réconfort... Sans mot de la fin finalement ! Peut-on se nourrir d'un disque comme Vieux Frère ? Je ne pense pas. Je n'aime pas cette musique savante qui manque de générosité. Je suis surtout étonné que les adultes que nous sommes se sont laissés duper par une musique qui témoigne d'une profonde immaturité (puisqu'elle est égoïste) et d'une froideur assez remarquable (bien que j'admette encore une fois qu'Infirmière et Voyou sont de très belles chansons). Cela dit bonne continuation, je serais ravi de débattre encore avec vous (pardon pour les fautes, je vous réponds un peu entre deux feux et je dois vous semblez un peu rude, je m'en excuse).

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    2. Je viens de me rendre compte que ma réponse n'a pas pour qualité première la concision, désoléé pour ça aussi --'

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